Le contrat d’édition permet à un éditeur de fabriquer, par lui-même ou un tiers, en nombre, des exemplaires d’une œuvre. En contrepartie d’une cession des droits patrimoniaux d’auteur, celui-ci s’engage à exploiter de manière permanente et suivie une œuvre, en passant des contrats de commande, en se chargeant d’obtenir les autorisations nécessaires pour les illustrations, puis, en recherchant une meilleure rentabilité à travers une exploitation diversifiée, d’une part, et à rémunérer l’auteur, d’autre part.
Une fois ce contrat signé, seul l’éditeur peut autoriser des tiers à reproduire l’œuvre, par contrat, ou le leur interdire, par l’action en contrefaçon.
Mais pour qu’une action en contrefaçon puisse prospérer, encore faut-il être en présence de droit d’auteur. Or tous les écrits ne sont pas protégés par le droit d’auteur : ils doivent être originaux. L’originalité est une notion difficile à cerner. Elle est admise uniquement si des choix créatifs ont été effectués par l’auteur et si des éléments personnels de celui-ci se reflètent dans son œuvre. Pour l’admettre, les magistrats s’assurent que l’originalité d’une œuvre a bien été explicitée par l’auteur lui-même, et que la composition structurée de cette œuvre propose une démarche intellectuelle qui caractérise effectivement son auteur. La combinaison voulue par un auteur pour donner forme au propos et à l’analyse qu’il entend exprimer dans son écrit doit révéler une expression qui le singularise au moyen de passages introductifs, transitifs ou conclusifs, un maillage recélant une valeur propre intrinsèque.
A contrario, la simple juxtaposition d’emprunts d’informations brutes ne saurait permettre à un écrit d’accéder à la condition d’originalité. En effet, l’écrivain qui se contente de puiser dans un existant culturel et de s’approprier dans ce corpus des œuvres qu’il n’avait d’autres choix que de sélectionner ne peut bénéficier de droit d’auteur.
Un arrêt récent du 9 juin 2017 (RG 16/00005) vient illustrer ces propos, à propos d’un éditeur ayant lui- même composé une œuvre, reproduite sans son autorisation.
Il s’agissait d’un éditeur d’ouvrages d’érudition datant du Moyen-Âge et de la Renaissance, qui avait autorisé une société à retranscrire des œuvres, sans apparat critique, sur un CD-rom « poésie française. » Dix ans plus tard, il s’apercevait que 197 de ses textes médiévaux avaient été repris sur le site internet de son cocontractant, sans son autorisation.
Il l’assignait donc en contrefaçon. Mais son action a été rejetée par la Cour d’appel de Paris, à défaut de droits d’auteur. La Cour reproche en effet à l’éditeur de ne pas avoir rapporté la preuve de ce que les transcriptions des textes qu’il revendiquait étaient différentes de celles existantes et portaient l’empreinte de sa personnalité. L’éditeur avait, en réalité, travaillé sur des textes nus, déjà édités, et n’avait réalisé aucun travail d’adaptation dans la langue française actuelle.
Sans originalité, il ne saurait y avoir droit d’auteur. Sans droit d’auteur, il ne saurait y avoir contrefaçon.
Si l’apparat critique relatifs audits textes et comprenant des commentaires et annotations originales, avait été reproduit, le sens du délibéré aurait très probablement été tout autre !
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