Photo : Ben Art Studio
Les graphistes et designers sont titulaires de droit d’auteur sur les logos ou identités visuelles qu’ils créent dans le cadre de contrats de commande. Cela implique que le commanditaire se fasse céder les droits d’exploitations sur le logo pour pouvoir l’exploiter pleinement et sereinement. En contrepartie le graphiste pourra recevoir une rémunération correspondante.
A l’occasion d’un dossier récent, j’ai pu remarquer que dans un cadre précontentieux ou contentieux entre un graphiste auteur d’un logo et l’entreprise commanditaire des logos, trois questions de droit d’auteur étaient régulièrement soulevées :
- Le logotype créé dans le cadre d’un contrat de commande par un graphiste est-il original, et dès lors, protégé par le droit d’auteur ?
- Qui est titulaire du droit d’auteur et peut-on considérer qu’il s’agit d’une œuvre collective ?
- La cession de droit d’auteur au bénéfice du commanditaire existe-t-elle et si oui quel est son périmètre ?
1 – La protection par le droit d’auteur des logotypes sous condition d’originalité
Il faut rappeler que les logotypes, comme toutes les œuvres de l’esprit, sont protégeables par le droit d’auteur, dès lors qu’ils sont originaux, c’est-à-dire revêtus de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Cette protection naît sans aucune formalité. Concrètement, l’originalité s’apprécie au cas par cas, c’est-à-dire logo par logo en fonction des choix créatifs.
En amont, il est préférable de considérer que le logo commandé est original et de prévoir une cession de droit d’auteur pour l’exploitation du logo.
2 – Qui est titulaire du droit d’auteur et peut-on considérer que le logo est une œuvre collective ?
En principe, le titulaire des droits d’auteur est toujours la personne qui a effectivement créé l’œuvre.
L’enjeu de la qualification d’œuvre collective dans les contentieux portant sur les droits d’auteur sur un logo est de faire naître le droit d’auteur sur la tête de l’entreprise commanditaire du logo et non sur la tête du graphiste, auteur personne physique. Cela évite ainsi de procéder à une cession de droits et de devoir payer des droits d’auteur pour le commanditaire.
L’article L 113-2 alinéa 3 du CPI définit l’œuvre collective et pose plusieurs conditions pour obtenir cette qualification et notamment :
- qu’il y ait plusieurs auteurs.
- que les directives de création soient données par le commanditaire de façon très précise, privant ainsi le graphiste de sa liberté de création.
Or, ces deux conditions sont rarement remplies dans le cadre de la création de logo.
3 – L’existence d’une cession de droits au bénéfice du commanditaire et le cas échéant son périmètre
L’article L 111-1 du CPI précise que la commande d’un logo ne permet pas au commanditaire de l’exploiter librement. Il faut que le graphiste, ou la société par l’intermédiaire de laquelle il exerce son activité, cède ses droits sur le logo. En principe, la cession s’organise par le biais d’un contrat de cession.
Dans la pratique, deux situations se rencontrent :
- il n’y a aucun écrit, se pose alors la question de savoir si il y a eu une cession de droits implicite ;
- il y a une cession dans le devis ou dans la facture qui précise souvent le territoire, la durée et les usages autorisés. Toutefois, comme la cession est peu détaillée, elle peut apparaître équivoque ou peu claire et créé toutes les conditions d’un contentieux.
- L’absence de cession écrite
L’exigence d’un écrit en matière de cession de droit d’auteur sert à prouver l’existence de la cession. Lorsqu’il n’y a pas du tout de cession écrite dans la relation entre un auteur et un commanditaire qui va exploiter une œuvre, telle que le logo par exemple, la question de savoir si le commanditaire peut exploiter le logo va se poser.
Certains arrêts ont pu admettre des cessions implicites pour les logos (CA Paris 4ème chambre, section B, 12 mai 2006, n°05/12886) Mais récemment la Cour de cassation (26 septembre 2019, n°17-19997) a considéré qu’il n’y avait pas de cession implicite lorsqu’un designer créait toute une ligne de produits (y compris les logos) et savait que ces produits étaient exploités pendant plusieurs années, dans la mesure où il avait contesté les conditions financières et avait demandé l’établissement d’un contrat.
Il est vivement conseillé de toujours prévoir une cession de droit expresse. A défaut, il y a une incertitude particulièrement forte sur les possibilités d’exploiter le logo pour le commanditaire. Le graphiste pourra négocier la rémunération correspondant aux modes d’exploitation prévus dans le contrat.
- L’existence d’une cession de droits dont les limites sont équivoques
Lorsqu’il y a une cession de droits, elle est parfois équivoque, et le contentieux se concentre alors sur l’étendue de la cession. Dans ce cas, le juge recherche la commune intention des parties pour déterminer l’étendue de la cession de droits.
Par exemple, la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 24 mars 2017 (n°16/10690) a pu considérer que la cession de droits sur le logo avait été consentie à une boulangerie pâtisserie, mais pas aux trois autres boulangeries ouvertes par la suite et exploitées par des personnes morales distinctes (des franchises). Ainsi, l’exploitation faite par ces trois nouvelles boulangeries constituaient des contrefaçons.
Pour éviter toute difficulté, il est conseillé de passer un contrat exprès de cession de droit qui fixera notamment les limites de l’exploitation.