En dehors de son pseudo qui m’a bien fait rire, lorsque j’ai découvert le travail d’OXOlaterre, c’est la pluridisciplinarité de son approche artistique qui m’a frappé. Ce gars est un touche-à-tout génial : il illustre, il anime, il filme, il monte, il s’intéresse à la réalité augmentée, bref, son intérêt pour l’image est ultra-complet. Ces dernières années, son approche graphique tend à être plus libre. Une petite révolution chez lui qui a suscité une belle curiosité chez moi. J’ai donc envoyé un mail à OXOlaterre pour lui poser trois questions.
Est-ce que tu considères ton approche pluridisciplinaire comme un atout ou considères-tu que tu as le cul posé entre deux chaises ?
Je dois admettre que je me suis parfois un peu trop égaré à explorer certains domaines qui m’ont éloigné un temps de l’illustration. Mais finalement je ne pense pas que ce soit une attitude si atypique, dans nos métiers où on est régulièrement amené à se former sur de nouveaux outils. Par curiosité déjà, pour voir ce que ça peut apporter à notre travail, mais aussi par nécessité, tout simplement parce que les clients sont de plus en plus exigeants.
Ça m’amuse parfois d’ailleurs d’entendre des personnes dire qu’avec la crise sanitaire et le confinement, elles ont été obligées de s’adapter. N’est-ce pas ce que nous faisons dans nos métiers créatifs depuis toujours ? Les outils évoluent, la manière de communiquer aussi, il faut bien que l’on s’adapte et que l’on se forme.
Je pense vraiment que c’est important d’avoir un positionnement clair sur ce qu’on fait, c’est pourquoi je réponds sans hésitation : je me considère avant tout comme un illustrateur ! Parce que c’est vraiment ce que j’aime faire. Et si certaines connaissances acquises ces dernières années m’aident à développer des projets autour de l’illustration, comme par exemple de l’animation sur After Effects, c’est intéressant de profiter de ces nouvelles opportunités pour avancer.
Pour ce qui est de la notoriété, si j’ai réussi par le passé à me faire connaître avec mon style graphique précédent, je pense qu’il est encore un peu tôt pour tirer un premier bilan de mes images produites aujourd’hui. Je ne cherche pas du tout à rester dans l’ombre et je veux évidemment que mon travail soit vu par le plus grand nombre. Et si possible apprécié. Je suis incapable de courir après une tendance et encore moins de copier ce qui est susceptible de marcher. Certains sont très doués pour ça, moi non ! J’espère simplement que le message délivré est clair. Je préfère qu’on me dise NON, plutôt que OUI sur un malentendu. Je n’ai jamais fait l’unanimité, le principal étant de trouver suffisamment de personnes réceptives et sensibles à mon travail.
A quoi correspond le virage graphique que tu as pris ces dernières années ? Ennui créatif, lassitude, volonté de suivre une tendance…?
Alors pour être tout à fait honnête avec toi, sur le moment je ne me suis pas vraiment rendu compte de cette lassitude. Et j’avais encore moins envisagé ce virage créatif, pour la simple et bonne raison que ça ne m’avait jamais traversé l’esprit. Je me sentais parfaitement en phase avec l’identité visuelle que je m’étais construite, mon style graphique me correspondait, et j’aimais travailler sur Illustrator. Sauf que la machine a fini par s’enrayer. Les habitudes se sont transformées en une routine dans laquelle je me retrouvais de moins en moins, et le plaisir avait fait place le plus souvent à l’ennui.
Mais finalement, plutôt que de m’inquiéter, j’ai pensé que c’était un état assez normal après plusieurs années d’activité. J’ai cherché à faire plus ou moins évoluer mon style d’illustrations vectorielles, mais je pense que j’avais vraiment atteint la fin d’un cycle, et que ce n’était certainement pas en restant sur Illustrator que j’arriverais à avancer. Et puis, pour couronner le tout, certains clients se sont progressivement détournés de mon travail, moins intéressés par un univers que je n’avais pas su faire évoluer.
Alors, même si avec le recul je peux admettre que ça été une période très enrichissante, car forcé à me remettre en question, sur le moment ça n’a pas été aussi simple de se réinventer ! Ça ne s’est pas fait en un claquement de doigts. J’ai commencé par me détacher le plus souvent possible de l’ordinateur, j’ai repris les outils traditionnels, crayons, feutres, fusains, pinceaux et peintures, et je me suis fait de longues séances de dessin. J’ai beaucoup, BEAUCOUP, dessiné !
Je le répète souvent, je crois profondément à la mise en place d’une routine. On ne peut que progresser. Il y a obligatoirement un résultat. Que ce soit dans tous les domaines. J’ai donc commencé par me sentir plus à l’aise avec ce que je faisais, ça a fini par donner quelque chose qui à mes yeux me semblait intéressant. Je scannais puis je bidouillais sur Photoshop pour finaliser mes images. J’aimais beaucoup ce processus et je pense avoir vraiment repris du plaisir à dessiner à partir de ce moment-là.
J’ai tout de même fini par switcher sur iPad avec Procreate, pour davantage d’efficacité. Mais je continue de dessiner chaque jour au stylo sur de simples feuilles de papier parce que c’est un exercice qui permet de me libérer et de trouver le bon trait. Chose que je ne retrouve pas toujours sur iPad, même si je suis un fan absolu de la tablette d’Apple.
Quelle place accordes-tu aux projets personnels ?
Alors les projets personnels font généralement partie du travail d’illustrateur car ils permettent de prendre des directions qu’on ne s’autorise pas toujours avec les commandes. Maintenant, je ne vais pas en dire davantage car avec le temps, je deviens très superstitieux.
Mais en dehors de ces projets personnels, ma priorité reste d’alimenter encore un peu plus mon book personnel, et donc celui de mon agent (*). Je sais qu’il manque encore quelques images et quelques animations, pour être tout à fait complet. Je pense que mon style est encore assez neuf pour moi, et qu’il reste encore pas mal de choses à explorer.
Merci à OXOlaterre de partager son expérience riche d’enseignement. Il se dégage de son univers une tendresse poétique qui personnellement me touche. C’est joyeux, coloré, positif et, ce qui ne gâche rien, c’est beau ! Et comme en plus ça bouge, on aimerait croiser ses personnages dans la vraie vie. En attendant vous pouvez toujours leur faire un petit coucou sur son site www.oxolaterre.com, vous ne regretterez pas le détour.
(*) OXOlaterre est représenté par l’agence Lezillus
Pour en savoir plus www.clod-illustrateur.fr